Résumé
Il nous manquait un grand travail sur le cinéma iranien. [...] Ce que Pierre Sorlin a réussi pour l'Italie et le cinéma néoréaliste, Béatrice Fleury-Villatte et Sylvie Lindeperg pour la France et l'Allemagne d'après-guerre, Jean-Pierre Bertin-Maghit pour l'époque de Vichy, Hormuz Kéy l'a fait pour les films d'avant et d'après la Révolution en Iran. Bravo [...] Dans cette ''société à la recherche d'elle-même'', le cinéma a trouvé sa raison d'exister : ses créateurs sont passés de la polémique contre un Etat incapable, à une ''auto-thérapie'' qui s'exprime par une vision humaniste de l'individu et examine les pulsions les plus élémentaires de l'homme au travers d'une intrigue dont la forme est souvent poétique : la peur, la joie, le besoin d'exister, etc. Pour pouvoir réaliser des essais critiques et politiques, les auteurs ont détourné les rigueurs extrêmes de la censure par l'utilisation de métaphores que chacun peut comprendre ; ainsi parmi d'autres, Dariush Merdjoui dans La Vache en 1969, Massoud Kimiai utilise les mécanismes du cinéma commercial, sans oublier le créateur Sohrab Shahid Saless qui a inventé selon Hormuz Kéy une sorte de , réalisme ''donnant naissance au cinéma post-révolutionnaire. Dépassant le problème propre du cinéma, Hormuz Kéy montre comment quelques esprits érudits, Farrokh Gaffary mis à part, ont ignoré ce cinéma ou l'ont stigmatisé sans voir vraiment comment il allait contre le discours officiel, celui du Shah ou ensuite celui des mollahs... Marc Ferro L'étude de Hormuz Kéy arrive à point nommé pour remettre les choses dans une juste perspective. D'abord, si le cinéma n'a pas été inventé en Iran, il y a pénétré d'assez bonne heure. Introduit par la royauté, ce cinéma a été accueilli avec enthousiasme par une culture iranienne, depuis toujours ouverte sur l'image. Ainsi, le cinéma iranien a su vaincre les obstacles théoriques alors que l'islam interdit toute représentation. En Iran comme ailleurs, le cinéma est devenu un divertissement populaire. Hormuz Kéy nous rappelle les origines de l'expression cinématographique proprement iranienne, et les films les plus marquants. Il nous explique les raisons de la fertilité du cinéma iranien contemporain (plus de soixante films par an) et de ses attaches populaires. Il y évoque la censure islamique, et les moyens de la contourner. Pour toutes ces raisons, son travail est précieux [...]. Il montre comment le cinéma traverse des frontières fermées, et comment des images transportent des idées, quels que soient les barrages. il expose, indirectement, comment il est devenu impossible de refermer un peuple sur lui-même. Les films iraniens parce qu'ils sont iraniens, transportés par leur qualité propre aux quatre coins du monde, y ont rencontré les échos précis de telle censure, de telle interdiction, de tel sentiment de solitude ou d'espérance. Jean-Claude Carrière