Résumé
Après avoir longtemps privilégié les écrivains arabes d'expression française, le public français a découvert depuis une vingtaine d'années, grâce notamment au travail pionnier des éditions Sindbad, la richesse et la diversité de la littérature arabe contemporaine. Au sein de celle-ci, les écrivains égyptiens ont longtemps occupé et occupent encore une place de premier plan, dont le signe le plus visible est le prix Nobel décerné en 1988 à Naguib Mahfouz.
Entre scribes et écrivains propose une interprétation de cette spécificité à partir d'une analyse socio-historique du champ littéraire égyptien contemporain. Formée au sein d'une longue tradition d'osmose avec un Etat dont le régime issu de la révolution des Officiers libres de 1952 est le dernier avatar, la corporation égyptienne des gens de lettres s'est forgé une très haute idée de sa mission sociale, tout en se réappropriant les modèles esthétiques européens et la figure moderne de l'écrivain autonome, libre de toute contrainte, qui les sous-tend. Ces dynamiques historiques se traduisent aujourd'hui dans un idéal littéraire à la fois "pur" et "engagé", où se résoudraient les tensions entre liberté et normativité, instrumentalité et gratuité, identité et altérité.
Au fil de cette analyse, c'est l'essentiel de la production littéraire égyptienne des cinquante dernières années qui défile sous les yeux du lecteur : celle des grands écrivains consacrés, dont une bonne part est aujourd'hui accessible en traduction française, ainsi que celle de dizaines d'auteurs inconnus à l'étranger mais parfois très célèbres dans leur pays. Romanciers et poètes, scénaristes et hommes de théâtre, critiques et journalistes, tous ont dû affronter et ont tenté de résoudre, chacun à sa manière, les contradictions inhérentes à leur double identité de scribe et d'écrivain.