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La chambre de la vierge impure عرض أكبر

La chambre de la vierge impure

Amin Zaoui

Fayard

978-2-213-63776-1

Je suis parti chercher un pain de sucre à l'épicerie du village. Ça m'a pris treize ans. Sur la place, un prédicateur embarquait les jeunes dans un camion. Je ne sais plus trop si on m'a laissé le choix. Après quelques heures de route je me suis retrouvé dans un camp d'entraînement militaire caché dans la forêt. Maquisard de hasard. Il y avait une fille....

17.90 €

Caractéristiques

Auteur Amin Zaoui
Editeur Fayard
ISBN 978-2-213-63776-1
EAN-13 9782213637761
Date de parution 2009
Nombre de pages 200
Poids 250 g

Résumé

Je suis parti chercher un pain de sucre à l'épicerie du village. Ça m'a pris treize ans. Sur la place, un prédicateur embarquait les jeunes dans un camion. Je ne sais plus trop si on m'a laissé le choix. Après quelques heures de route je me suis retrouvé dans un camp d'entraînement militaire caché dans la forêt. Maquisard de hasard. Il y avait une fille. Une révolutionnaire, une fanatique. Physiquement, elle me faisait penser à Sultana, ma cousine Sultana, celle qui me criait « Suce-moi les seins ! Suce-moi les seins ! » quand nous faisions l'amour. Sauf que cette fille-là ne voulait pas faire l'amour avec moi. Elle voulait seulement écouter mes histoires. Le soir, nous fumions le haschich cultivé dans le camp et je racontais. Je racontais comment ma tante Rokia avait quitté mon oncle impuissant pour aller vivre à Istanbul, parce qu'elle était tombée amoureuse d'Atatürk, dont le portrait ornait la madhafa, la chambre d'hospitalité, de notre maison. Là-bas, ma tante Rokia avait fait fortune, disait-on : elle possédait cinq hôtels, trente-trois hammams et tous les bordels de la ville, où cent vingt mille prostituées, les plus belles femmes du monde, agissaient sous ses ordres. Elle avait bien fait de partir. Parfois, des tirs éclataient autour du camp. Mais nous continuions de fumer du haschich. Je racontais alors l'histoire de mon père. Mon père le voyageur. Mon père le traducteur. Il avait couru les terres d'Islam à la recherche de manuscrits du livre du prophète, que le salut et la paix soient sur son âme, le saint Coran, qu'il oeuvra toute sa vie à traduire en berbère, la langue de sa deuxième femme, de l'amour et des oiseaux. C'était un fou. Comme moi. Des tirs retentissaient de nouveau. Et toujours nous fumions, et toujours je racontais. Des choses se sont passées dans le pays, je crois. Des émeutes, peut-être des révolutions, des changements de régime. C'était pour ça, les tirs, sans doute. Mais moi je fumais et je racontais. Toujours les mêmes histoires et pourtant toujours différentes. Ma tante amoureuse d'Atatürk. Mon père amoureux de la langue berbère. Le haschich fait mieux changer les histoires que les fusils ne font changer les pays. Ou peut-être pas, je l'ignore. Je suis fou. Dans mon village où ma mère attendait toujours le pain de sucre, on m'appelait le poète. Poète et fou, c'est pareil