Résumé
L'œuvre majeure de S. B. Majrouh, laquelle se compose de deux livres-miroirs dont voici le premier, est aujourd'hui encore largement inédite, y compris dans sa langue d'origine - lors même que son rayonnement a franchi toutes les frontières. Conteur non moins que poète, l'auteur de ces pages rêve le présent et l'avenir d'un pays imaginaire (en lequel il n'est pas trop difficile de reconnaître l'Afghanistan) menacé par de bien inquiétantes chimères. Composé avant l'invasion soviétique de 1979, le texte de ce premier volume se révèle à mille et un égards singulièrement prophétique... La forme du livre est celle d'un immense conte poétique, éclaté en cent paraboles : un peu à la manière de la Conférence des Oiseaux d'Attar, auquel Majrouh fait souvent songer. Mais par-delà l'enseignement douloureux délivré aux hommes bruit surtout, de page en page, une musique bouleversante : celle d'une poésie qui sent d'instinct qu'au fond de l'horreur d'être au monde gîte, inexplicablement, une présence qui déjoue nos calculs et nos misères. Et cette présence a un nom : la Beauté. Présence consolante et amère tout ensemble, dans la mesure même où ce qui est beau nous fait sentir d'autant plus cruellement l'ignominie du siècle et, au-delà, le défaut central qui loge au cœur de l'homme. Frustration que l'Amour et l'Art ont pour mission d'apaiser mais ne sauraient combler, puisque à notre soif, nous rappelle le poète, '' il faudrait des océans d'un vin plus ancien que le monde ''.