Résumé
De l'Atlas à l'Euphrate, aucun pays arabe ne semble pouvoir échapper à de profonds bouleversements juridiques depuis quelques années. L'adoption d'un nouveau code de la famille au Maroc, la création d'une deuxième assemblée parlementaire en Tunisie, la promulgation d'une nouvelle Constitution à Bahreïn et au Qatar ne sont que les exemples les plus marquants de ces transformations qui pénètrent le monde arabe en ce début de XXIe siècle.
Ces évolutions, qui s'inspirent du libéralisme occidental, peuvent sembler curieuses dans des États jaloux de leurs spécificités juridiques, politiques et religieuses. Elles reflètent cependant l'ambiguïté inhérente aux systèmes constitutionnels arabes, tiraillés entre la référence à la Loi islamique et l'intégration de principes juridiques libéraux. Ce pluralisme du droit, parfois perçu comme une source d'incertitude et de conflits juridiques, constitue pourtant un instrument d'évolution des régimes politiques : par son ancrage à l'Islam et à la Charia, il en favorise la légitimation; par sa reconnaissance des valeurs libérales, il en autorise la modernisation.
La lecture des Constitutions arabes - de leur lettre comme de leur pratique - par le biais du pluralisme juridique permet donc de comprendre la nature et la portée des transformations qui sont à l'uvre dans ces États, tant ceux qui restent essentiellement attachés à des valeurs traditionnelles que les plus avancés dans les processus de démocratisation et de protection des droits fondamentaux.